Oh teenage hopes, who have tears in the eyes...
Les yeux vides barbouillés de noir, la bouteille à la main et la cigarette dans l'autre. Fous rires qui s'échappaient d'un rien. Cheveux en bataille, mini short en jean déchiré, débardeur trop grand. On trébuche, on titube, on rit de nouveau. Cette sensation, cette sensation que certains adorent, d'autres redoutent. Il lui arrivait de passer des soirées comme celles-ci, tous les soirs ressemblaient à ce soir là, ou presque. Le pire dans tout ça, c'est qu'elle était seule. Elle n'était pas énormément sociable, préférant la solitude, mais consultait les personnes qu'il fallait, lorsqu'il le fallait. Avait-elle ingurgité seulement de l'alcool? Probablement que non, restait à savoir quoi, mais elle s'en foutait. Elle s'en foutait comme elle se foutait de tout. Elle se foutait des gens qui l'avaient receuilli, elle se foutait de la société, elle se foutait de tout. De tout. Dans son quartier, tout le monde la connaissait. Tout le monde connaissait sa putain de façon d'agir, cette adolescente de seulement quinze ans qui connaissait déjà une vie de débauche et qui séchait tous ses cours. Sexe drogue et alcool étaient ses mots d'ordre, on essayait de la rendre autrement, sans jamais obtenir de résultat. Donc on la laissait comme elle était. Droguée, dévergondée, insouciente et mal dans sa peau. Mais tout ce qu'elle faisait, c'était profiter de la vie qu'elle disait. Tout le monde lui répondait que ce n'était pas de cette façon qu'il fallait profiter de la vie, mais elle leur répondait, un sourire espiègle aux lèvres et le sourcil finement remonté que tout le monde avait une perception différente de comment vivre sa vie et que la sienne était autrement. Mais elle avait un problème, un problème dont elle ne parlait jamais et dont personne ne semblait se soucier. Ses parents étant morts il y a de cela plusieurs années, elle n'avait pas de famille. Aucune présence dans sa vie, elle ressentait un vide inexplicable. Tellement, qu'on aurait pu l'appeller Mo-Sansfamille. Dommage qu'elle ait un prénom et un nom en plus: Mo Kostas.

Puis pour un instant, elle décida de s'asseoir un instant pour faire le vide. Pleurer. Évacuer tout ce qu'elle avait dans elle. Toute cette souffrance qui l'obligeait à agir ainsi. Pleurer pour pleurer, pour se faire du bien, ça aidait parfois, surtout pour elle. Elle était saoûle, sous l'influence de quelque chose, c'était certain. Elle écrasa sa cigarette avec son talon et resta assise sur le bord du trottoir, contemplant droit devant elle. À vrai dire, elle était complètement perdue dans ses pensées et commençait à en avoir mal à la tête. Les ruelles d'Héraklion étaient dangereuses surtout lorsqu'on y trainait tard le soir et surtout lorsqu'on est une adolescente de quinze ans. Mais Mo en avait l'habitude, elle s'était fait prendre quelques fois, ses capacités étant beaucoup trop affaiblies, mais avait désormais appris à se défendre avec le temps, elle n'avait plus peur du tout. L'avantage avec son mode de vie, c'était qu'elle n'avait plus peur de rien, ayant vu le pire.

Une gorgée de vodka envahit sa gorge, une dernière cigarette allumée puis portée à sa bouche la réveilla. Elle se releva de son trottoir puis commença à tournoyer dans tous les sens, ne sachant pas trop ce qu'elle faisait. Elle apperçut une ombre à l'horizon, mais n'y prêta guère attention. Tant qu'elle était dans sa bulle, son monde à elle tout était parfait. Elle avait l'air d'une trainée de minimum vingt-deux ans dans cette accoutrement, mais elle s'en foutait, elle s'habillait comme elle voulait et emmerdait tout ceux qui la critiquait sur ce point. Pendant ce temps l'ombre s'avançait de plus en plus, mais Mo ne la remarqua pas. Jusqu'à temps qu'un faux pas avec ses chaussures lui vallut une chute dans les bras de l'ombre qui s'avérait désormais à être une vraie personne. Une personne qui étrangement, vraiment étrangement lui ressemblait comme deux gouttes d'eau. Mo éclata d'un rire sonore, penchant la tête vers l'arrière et tentant en vain de se relever. Ses cheveux étaient complètement décoiffés, son maquillage coulait littéralement sur son visage, ses vêtements étaient déchirés. Elle prit une autre gorgée de vodka et lança sa cigarette derrière elle. Son regard se posa sur son sosie, son regard vide, aux yeux rouges. La jeune femme devait elle était elle aussi, bouche bée.

« Je, heum... Je... Je ne sais pas trop... quoi dire. »
« Quoooooooooi? Bon écoute, j'sais pas t'es qui mais... *hic* moi je dois y aller. À la prochaiiiiiiiiine! »
« Attends! Comment t'appelles-tu? »
« Pourquoi? »
« Heum, tu me ressembles étrangement. »
« Mo. »

Mo lui lança un dernier sourire malicieux puis lui tournant le dos, retournant chez elle (chez elle était une définition assez vague puisqu'elle voyageait de famille en famille et qu'elle n'était arrivée dans celle-ci que depuis une semaine) la bouteille à la main, en titubant légèrement. Cette rencontre était pour le moins troublante, cependant, elle n'était pas en état de le réaliser.

Take only what you need from it

« Où était tu la nuit dernière? Nous nous sommes inquiétés comme des fous, nous avons même contacté la police! Mais pourquoi agis-tu ainsi, tu n'as que quinze ans, jeune fille! Tu es vraiment un cas désespéré... »
« Relaxe, Anastacia, j'étais chez une copine. »
« Arrête de nous mentir! Alexandros t'as vu revenir, tu étais vêtue comme une vraie dévergondée! Mo, ça ne peut plus continuer comme ça, tu fais cette scène à chaque jour! C'est trop difficile, j'appelle le centre dès demain! Ça ne peut plus continuer, Mo, nous ne voulons plus de toi ici. »

Sans la moindre émotion, Mo se leva du canapé sans dire un mot, monta à sa chambre et prépara sa valise ou plutôt son sac. Ce dernier n'était pas bien gros, puisque Mo n'avait pas beaucoup d'effets personnels, quelques vêtements, soins d'hygiène et IPod. Anastacia et Alexandros n'avaient pas besoin d'appeller le centre, elle partait par elle-même. Elle ne pleurait pas, ne réagissait même pas. De toute façon, elle n'avait pas pu tisser d'affinité, elle ne leur avait même pas parlé et elle ne vivait leur maison depuis le début de la semaine, ça ne servait à rien. Elle mis son sac sur son épaule et sortit de la maison, claquant la porte et allumant une cigarette.

Brush my teeth with a bottle of Jack...
Elle passa plusieurs jours sans domicile fixe, résidant chez des amis majeurs (plus souvent de sexe masculin), demeurant en appartement à chaque jour. La belle vie, puisqu'elle n'était pas limitée, pouvant faire ce qu'elle voulait quand elle le voulait. Jusqu'au jour où le téléphone sonna.