" You screwed up with Tallulah " est un groupe de rock alternatif, crée en 2003 à Carmel, par Gael (guitare, piano et chant) & Amaury (basse, guitare et chant). À l'origine, ils jouaient dans le grenier de Gael et tous leurs morceaux étaient accompagnés d'une vieille boite à rythme surnommée Big-Bang. Heureusement, les deux musiciens ont rencontré Isaïs peu de temps après leurs débuts et, impressionnés par son sens du rythme, l'ont invité à se joindre au groupe.
Initialement appelés Finders Keepers, le groupe a rapidement changé de nom après le départ soudain de leur muse commune : Tallulah. C'est en partie à grâce à cette jeune femme que le groupe existe, et beaucoup de textes lui sont dédiés (implicitement ou pas).
to be continued

- Tu crois que tu peux faire le malin Isaïs, hein ? Fait gaffe quand même, tu pourrais finir comme ton salopard de père...

Isaïs sentit son coeur se rétracter pour ne devenir plus qu'une infime lame au creux de sa poitrine. Luttant contre le sel qui lui brûlait les yeux, il laissa planer un instant de silence en serrant la mâchoire. Soudain, sans prévenir, un poing fendit l'air et vint s'abattre sur le joli petit minois réjoui de son adversaire en bruit sourd. Celui-ci tituba et s'étala de son long sur le trottoir et se fut au tour d'Isaïs d'afficher une mine satisfaite. Il s'approcha encore un peu et administra quelques coups de pieds supplémentaires à l'imbécile qui avait oser insulter son père.

- Isaïs ! Grimpe dans cette bagnole tout de suite mec !
- J'en ai pas... finit... avec... lui ! articula l'intéressé entre deux coups de pieds.
- Isaïs arrête tes conneries, il pourra déjà plus marcher pendant des jours...

À contre-coeur mais sentant qu'il était allé trop loin, le jeune homme monta dans le véhicule de son ami. À l'intérieur de l'habitacle, il sentit le regard inquiet de Gael se poser sur sa nuque mais n'était pas d'humeur à disséquer ses problèmes avec lui. Il se contenta donc de souffler sur la buée dans la vitre en lui tournant résolument le dos.
Les deux amis roulèrent en silence tandis que Gael se remémorait des souvenirs d'Isaïs lorsqu'il n'était qu'un gosse nerveux un peu perdu. Ils s'étaient rencontrés au lycée, avec Amaury, et depuis ne s'étaient jamais quittés. Etant le plus jeune du groupe qu'ils avaient monté peu de temps après leurs rencontre, Isaïs avait tout appris de ses deux meilleurs amis depuis les techniques de drague jusqu'à la façon de se raser. Mais jamais ils n'avaient pu apaiser la colère qui battait constamment sur les tempes de l'adolescent.

-Tu peux me déposer à Pebble Beach s'il te plaît ?

Toujours sans un mot, Gael donna un léger coup de volant et changea de direction. Il savait ce qu'Isaïs comptait faire mais il ne pourrait l'en dissuader dans que ses mains continueraient de trembler comme cela.
Dix minutes plus tard donc, il déposa son ami au pied d'un immense bâtiment blanc. L'heure des visites était largement dépassée mais Gael ne fit aucune remarque. Il reviendrait chercher son petit batteur demain matin et était sûr de récupérer au passage une nouvelle chanson pour le groupe.
La voiture de Gael disparue donc dans la nuit tandis qu'Isaïs montait quatre à quatre les marches qui le séparait de son but. Enfin, il entra dans la chambre 312 du service de psychiatrie et s'assit à même le sol les yeux fixés sur le patient endormi. Son père était barricadé ici depuis maintenant sept ans. C'est au cours d'un bagarre comme Isaïs en provoquait tout les jours qu'il s'était cogné la tête et avait perdu l'esprit parvenant aujourd'hui à peine à reconnaître son fils. Lyla, la mère du jeune homme, ne se rendait jamais à l'hôpital et ne parlait jamais de son mari. Parfois même sa plus jeune fille oubliait que son père se trouvait à quelques kilomètres à peine et le pensait mort et enterré. Seul Isaïs continuait de se rendre régulièrement dans cette triste chambre. Il se faisait du mal et lui d'habitude si souriant et enjoué en ressortait toujours avec une mine maussade qui l'accompagnerait plusieurs heures durant... jusqu'à ce que Gael ou Amaury trouve les mots pour le faire sortir de sa bulle et qu'ils se mettent à écrire une nouvelle chanson en riant comme des gamins.
Il sourit un instant en repensant à cela mais se plongea aussitôt dans un petit carnet où il passa le restant de la nuit à griffonner en faisant les cent pas dans sa petite prison...

« J'ignore pourquoi cette dispute a éclaté. C'est vrai, mes parents ont toujours su que j'aurais préféré laisser Tallulah entre les mains habiles de Gael plutôt que de renoncer à la musique. Alors pourquoi s'énervaient-ils comme ça parce que je refusais de déguerpir pour Yale ou Harvard ? J'avais simplement monter le dossier pour leur faire plaisir, un genre de cadeau d'anniversaire.
Toujours est-il que je me retrouvais à la rue après dix-sept ans de vie commune avec eux. Mon premier réflexe fut d'aller trouver refuge chez Gael, après tout notre amitié s'apparentait plus à de la fraternité maintenant que notre seul sujet de dispute - Tallulah - avait disparu dans la nature. Là-bas, je tombai bien sur sur Isaïs, lui aussi prenait refuge chez notre chanteur quand ça n'allait pas. Sa maison se transformait d'ailleurs en refuge pour chiens perdus ses temps-ci... Mais il ne s'en plaignait pas, tout ce qui pourrait lui faire oublier le départ de son âme soeur était le bienvenue ses temps-ci.
J'avais toujours été le plus maladroit avec les filles. J'étais celui qui faisait leur devoir, ramassait leur sac et leur tenait la porte... alors qu'elles ne me regardaient pas. Ainsi, même si Tallulah était MA petite amie, j'avais réussi - avec un peu de mal je l'avoue - à faire mon deuil de notre histoire. Redevenant le garçon un peu loufoque que j'avais estompé quand elle était encore là. Mais Gael ne voyait pas les choses de la même façon. Il avait vécu avec elle depuis toujours. Elle passait encore plus de temps avec lui qu'avec moi. Ils n'avaient aucun mystère l'un pour l'autre... je trouvais ça répugnant en fait. Surtout parce que j'étais nul avec les mots probablement, et sans doute parce que ma paranoïa naturelle m'empêchait de voir le monde avec autant d'impartialité que les autres...
Les garçons me laissaient ronchonner dans mon coin, en attendant que je daigne leur expliquer clairement les choses... bien qu'ils eussent probablement deviner le plus gros de mes soucis. Je n'avais pas les mots pour exprimer à quel point j'aimais notre petit groupe, encore plus depuis notre changement de nom. Il était toute ma vie, et ce qui m'avait empêché de devenir le stéréotype du premier de la classe fan de sciences et accro aux jeux vidéos et à la caféine. J'avais trouvé ma place dans cette minuscule ville grâce à la musique et à notre garage merdique et mal insonorisé. Mais je ne pourrais jamais leur expliquer tout cela, voilà donc pourquoi ils arrivaient si bien à lire dans mes pensées : ils s'y entraînaient depuis (presque) toujours.

- Je..., commença Gael d'un ton chevrotant, je crois que la solution la plus simple serait de prendre une maison tous les trois. Si le groupe devient sérieux, il faudra bosser encore plus. Et puis, ma mère va probablement devenir folle si on continue de lui vider la cuisine comme ça.

Cependant, je n'étais pas dupe. Isaïs non plus. Si son regard mystérieux charmait toutes les demoiselles du quartier, pour nous Gael n'était qu'un livre ouvert un peu hautain qui refusait d'avouer ses pensées à coeur ouvert. Il était vital pour lui autant que pour nous, que le groupe s'envole. Il désirait lui aussi s'éloigner de chez lui, et s'abritait - comme souvent - derrière l'un de nous pour ne pas perdre son statut de pseudo-rebelle-trop-dur.
Je n'étais pas du genre à endurer jusqu'à l'explosion comme lui - comme eux deux en fait - je fus donc le premier à accepter la proposition.
Voilà qu'on allait devenir colocataires maintenant. À croire que la machine YSUWT était définitivement lancée. Enfin. »