Sujet: le contexte Dim 27 Sep - 12:25 |
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« le but ce n'est pas de faire du cinéma, mais son cinéma. »
Le dos légèrement courbé sous la chaleur étouffante d'une matinée Californienne, j'avançai lentement dans le dédale des ruelles de ma petite ville natale. Chanceuse de pouvoir me rendre au travail à pied, j'inspectais comme chaque matin le paysage qui s'offrait à moi. Rien de bien nouveau, pourtant comme à chaque fois, un sourire paisible éclairait mon visage. J'emportais ce rayon de lumière intérieure, jusqu'à l'angle de Rosa Parks Street où je surpris une fois encore le regard désapprobateur de Mme Higgins. Elle n'appréciait pas vraiment mon travail, considérant cela comme une trahison à au cercle très fermé des Carméliens d'origine. Mi-exaspérée, mi-intimidée, je détournai le regard vers l'horizon et poursuivis mon chemin, un pli entre les sourcils. Je n'aimais pas cette ambiance 'vieux village' qui régnait dans certains quartiers de Carmel. Comme tous les autres jeunes de la ville, je considérais la venue de l'équipe comme une chance inespérée de trouver un travail sans quitter mon petit bout de paradis. La route de béton entretenue avec soin par nos impôts laissa place à un chaos de terre et de poussière m'indiquant que je n'étais plus très loin du but. Bientôt de longues grilles quadrillèrent le paysage, et le rythme effréné de l'activité humaine reprit de plus belle. Deux hommes en noir barraient l'entrée d'un regard impitoyable, pourtant ils se fendirent d'un sourire et, sans même inspecter mon badge ils m'ouvrirent le grand portail gris. À nouveau, le décor changea. On ne pouvait deviner que l'on se situait en pleine périphérie sauvage d'une ville de moyenne importance. Tout n'était que complexité, modernité, et l'agitation qui régnait était digne des plus grandes villes américaines. Sans trop m'étendre sur ces remarques, je me joignit à eux dans cette fébrilité tangible retrouvant mes marques comme chaque jour. - Ils tournent quoi en ce moment ? - La dernière scène de l'épisode quatre. Deuxième plateau. Mais le reste de l'équipe est partie avec les jumelles et quelques cascadeurs à San Francisco pour une scène supplémentaire. Oh et Andreas a besoin de toi pour faire l'inventaire des costumes, apparemment on aurait été cambriolé la nuit dernière. Enfin, la porte était simplement ouverte, mais tu connais Andreas... - D'accord, je vais voir ça. Merci. Déçue ne pas avoir un travail plus palpitant, je traînais des pieds jusqu'à la salle des costumes. Parfois la vie sur les plateaux de Roadtrip était quelque peu décevante. Cependant, on avait vu pire comme travail pour quelqu'un qui n'a pas vraiment fait d'études. Et puis, comme dirait ma nièce, j'avais le privilège de côtoyer une brochette de jeunes acteurs montants. Pourtant, au début personne n'aurait parié sur cette série bancale, au budget bien trop maigre pour subvenir au besoin de son intrigue. Il fallait sans cesse trouver de nouvelles idées pour tourner à domicile des scènes censées se dérouler à l'autre bout du pays. La première saison fut chaotique, entre licenciements, grèves et crises de nerfs il s'en est fallu de peu pour que le réalisateur mette un terme à tout cela. D'ailleurs, la plupart des membres de l'équipe considérèrent dans un première temps le succès reçu comme une juste récompense à leurs efforts incessants. Mais la pluie de critiques positives qui s'abattit ensuite sur Roadtrip balaya les dernières tensions... et nous voilà, un an et demi plus tard, sous le soleil brûlant de notre tendre Californie arpentant les mêmes allées encore et encore les mains chargées de toutes sortes d'accessoires improbables. Le budget ayant pratiquement doublé, l'équipe s'est encore agrandit, de même que nos locaux. Désormais, il n'est pas rare de se perdre les couloirs serpentant les bâtiments, et chacun comprend maintenant l'utilité des hauts parleurs dispersés un peu partout. Nous tournons actuellement la deuxième saison. Personne n'a promis qu'elle serait sans difficulté, et le revers de tout ce succès commence à se faire sentir. Mais nous tiendrons, jusqu'au bout, parce qu'avant tout nous sommes une équipe, indissociable, indivisible. À tout ceux qui pensent tout connaître du monde impitoyable du cinéma, à tous ceux qui hurlent au blasphème quand on leur parle de 'série américaine', qu'ils viennent donc sillonner les allées encombrées de Roadtrip Studios, peut-être qu'ils comprendront enfin... (c) - l'équipe de BNS
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Gael Oleszcz-Daniels
emploi ou/et études : roadtriper. musician.
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